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BAP | Bon à prendre | 11
C’est une statue que j’aime
Johann Melchior Wyrsch, était peintre, Johann Melchior Wyrsch était Suisse, Johann Melchior Wyrsch était beau, très beau, d’une beauté à la Maïakovski, à la Yul Brynner, à en croire l’incroyable buste réalisé par son ami, Luc Breton. Peut-on croire que cette œuvre-là ait été réalisée sans désir ? A Besançon de nos jours, les deux hommes ont une rue à leur nom, l’une bardée de petits ensembles et de maisons tranquilles, l’autre centrale et commerçante, mais qu’importe les rues, puisqu’ici, seule compte la figure paysage, aux joues creuses et saillantes pommettes, les yeux vides, un jour aveugle, et la surface ocre badigeon, peau ambre dont le doigt aimerait chercher la douceur, détailler le grand menton plat et le nez, ébouriffer en vain les sourcils en circonflexe. Os, tendons, muscles sont là, aigus sous la surface de plâtre presque en mouvement pour le visage qui s’approche et tend ses lèvres pour éprouver le volume, yeux clos, sentir son souffler écourter par la chair fallacieuse, et puisque la nécessité du buste implique l’absence du corps, voici qu’il faut étendre ses doigts autour de l’arrondi du crâne, épouser atlas et clavicules, et peut-être risquer la langue aux commissures figées, lécher lentement ces longues lèvres de plâtre et jouer de son nez contre son propre torse, et descendre, et écouter l’espace alentour s’enrouler lentement autour de la rencontre.
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Florence Andoka, philosophe et critique d’art
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Buste de Mechior Wyrsch par Luc Breton, 1771
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BAP | Bon à prendre | 10
Ce dessin de Jean-Honoré Fragonard intitulé Les Grands Cyprès de la villa d’Este est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de la collection de dessins du musée. Il y en a d’autres, certes, mais si maintenant, il n’y avait qu’une pièce à garder de cet ensemble de plus de 5000 dessins, je choisirais celle-là.
En 1760, Fragonard, artiste singulier, ombrageux parfois, s’installe dans l’allée centrale des jardins de la villa d’Este à Tivoli, à une trentaine de kilomètres de Rome, et regarde la villa que l’on aperçoit, une peu floue, au fond. Le véritable sujet de son dessin n’est pas l’architecture, mais bien la végétation, qui la surpasse, par sa taille et sa vigueur. D’un rouge ardent, avec cette liberté de tracé si caractéristique, ces cyprès – dont un jour un visiteur me fit remarquer le caractère anthropomorphe (en particulier pour celui de droite) – sont d’une puissance vitale qui m’élève et me rassérène à la fois, comme lorsque je regarde, ces jours-ci, les grands arbres depuis ma fenêtre.
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Amandine Royer, conservatrice des arts graphiques, musée des beaux-arts et d’archéologie
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Jean-Honoré Fragonard, Les Grands Cyprès de la villa d’Este, sanguine sur papier, 1760.
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BAP | Bon à prendre | 9
Mascarade des quatre parties du monde
À lire le titre de ce tableau tout en longueur, nous pourrions imaginer le peintre comme notre contemporain. D’un pinceau vif et par touches colorées, il aurait immortalisé les gens masqués sortis en ville et formant justement cette grande « MASCARADE » ! Toutefois, au-delà du piètre jeu de mot que l’on mettra sur le compte du pessimisme ambiant, j’imagine surtout cette composition comme la grande fête que pourrions organiser après le confinement. Au quatre coins ou « parties » du monde, les gens se retrouveraient pour s’amuser, se déguiser, rire, chanter afin d’oublier ce moment difficile.
Il est vrai que transporter cette œuvre sur une île déserte ne serait pas une mince affaire, mais ce serait le meilleur moyen de la peupler d’un cortège de « joyeux drilles », de compagnons d’infortune avec qui l’on briserait la solitude dans la bonne humeur. »
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Mikael Zito est chargé de mission pour les collections de sculptures au MBAA
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Jean Barbault (1718-1762), Mascarade des quatre parties du monde, 1751