Nature morte à la tourte entamée, Pieter Claesz, XVIIe siècle

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BAP | Bon à prendre | 2

Alors ça y est, la fête est finie ? On laisse tout sur la table pour prendre ses jambes à son cou sans même débarrasser la table ? Je n’ai pas cette impression lorsque je me remémore le tableau de Pieter Claesz accroché dans les rampes du musée. Le contexte n’incite peut-être pas à l’optimisme mais mon naturel me pousse plutôt à imaginer que les convives viennent de se lever à l’arrivée d’un nouvel invité et que les agapes vont bientôt reprendre. Certes l’assiette est en déséquilibre instable et le verre est à moitié vide mais qu’importe… le vin possède la couleur un grand bourgogne et la tourte entamée semble savoureuse. Le citron apportera sa fraicheur en fin de repas avec son zeste enroulé – délicatement pelé par un couteau d’argent incrusté de pierres- qui amusera les enfants et parfumera leurs doigts dans la tiédeur d’une fin d’après-midi ensoleillée.

Je me souviens de mon passage au musée Frans Halls avec ses salles emplies de tableaux très similaires à celui de Pieter Claesz où j’ai découvert le roemer, ce verre à vin si particulier que l’on retrouve dans les natures mortes hollandaises. Cet objet me renvoie invariablement à ce joyeux voyage printanier aux Pays-Bas… J’ai hâte de le retrouver sur les cimaises du musée, comme j’ai hâte de retrouver les moments de convivialité qu’il symbolise à mes yeux. A quand la suite du festin ?

Nicolas Bousquet, responsable du service développement culturel des musées du Centre

Pieter Claesz, Nature morte à la tourte entamée, XVIIe siècle

Pierre Bonnard, Le Café du petit Poucet

 

BAP | Bon à prendre | 1

Je n’ai pas pensé immédiatement au Café du petit Poucet de Pierre Bonnard, grande huile sur toile de 1928. Si je suis honnête, au début j’avais en tête la Sybille de Cumes de Giuseppe-Maria Crespi. Toutefois, malgré la beauté un peu solennelle de l’œuvre, elle semblait par trop dramatique, j’ai toujours pensé qu’elle allait pleurer, quelque chose scintille, tremble même à la base de ses paupières. Allait-elle se mettre à pleurer par ce qu’elle voyait et qu’elle prévoyait ? J’ai donc repoussé l’œuvre et j’ai fait mien le titre de Lydie Salvayre Pas pleurer. Je me suis même dit que ce tableau que longtemps j’ai associé à l’air magnifique dans le Cid de Massenet Pleurez mes yeux n’était pas du tout adapté. L’œuvre de Crespi brille mais elle n’éclaire pas.

Alors face à la situation, c’est aux cafés plus qu’aux cassandres que j’ai pensé, aux terrasses et aux autres qui nous manquent tant. C’est étrange qu’un peintre comme Pierre Bonnard, qui pouvait être si sauvage et finalement qui n’aurait pas été très ébranlé par le confinement, ait choisi de représenter un lieu de sociabilité par excellence et avec une telle finesse psychologique. L’œuvre est à l’image du projet BAP « bon à prendre », par sa beauté mais aussi parce que chacune des œuvres qui vous seront dévoilées et commentées ont le rôle des petits cailloux dans le conte de Charles Perrault. Quelle meilleure métaphore pour retrouver le chemin des institutions culturelles que cette fable quand tout cela prendra fin. Quelle meilleure voie d’accès pour se sentir accompagnés et retrouver le goût des autres qui, heureusement, n’est pas prêt de se perdre en chemin et finalement ne perd rien pour attendre.

Nicolas Surlapierre, directeur des musées du Centre

Le café du petit Poucet, Pierre Bonnard 1928

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