« Baigneuse assise sur un rocher », Félix Vallotton, 1910

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BAP | Bon à prendre | 17

Pas abattue par son isolement, la sirène !
La tête est baissée, elle médite peut-être, mais le corps résiste et s’impose. La courbe du dos monte comme un ressort, tandis que le poids des hanches tire vers la terre, un socle comme une pomme tombée de l’arbre, entière et insouciante.
Elle prend soin d’elle pourtant, sa coiffure l’atteste.
Ce n’est pas par punition mais par affectation qu’elle se trouve au poste de vigie. De quel peuple, de quel rivage est-elle devenue la protectrice ?
Quel chant est-elle en train de composer ? Quelle musique écoute-t-elle si attentivement ?
Divertissons-nous, donc, isolés en d’autres circonstances, enrichissons-nous, en interrogeant son mystère, en partageant sa sérénité.

David Ball

Félix Vallotton, « Baigneuse assise sur un rocher »

 

Le ruisseau du puits noir,
Albert Cadix

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BAP | Bon à prendre | 16

« Le Ruisseau du puits noir » d’Albert Cadix me dispense d’en peindre de semblable. A chaque visite au musée, je l’évoque d’avance et m’attends à l’indifférence ou à la déception, que sa situation dans un couloir en retrait, au milieu d’autres paysages, pourrait convier subrepticement au silence, dans la discrétion de l’effacement et de l’oubli figuratif conventionnel.
Pourtant, chaque fois, je retrouve la même impression de fraîcheur vivante, avenir chaque jour recommencé, dans la lumière tamisée d’un bosquet d’ombres vertement nuancées, rarement visité si propice aux promenades solitaires ou secrètes d’amants éperdus d’intimité hors d’abois, dans la tranquillité du sous-bois protégé par des gorges, les jambes au milieu de l’eau. Car nulle barque ou nul abord pour contempler le ruissellement s’écouler en murmures.
Cet endroit, je le connais, je le chéris de promenades estivales, quand le soleil ailleurs darde sa canicule. Je m’émerveille de vivre ici, en pleine ville, à chaque saison, la même solitude intérieure calme et vitale en devenir. Je me rejoins alors, quarante années plus tôt, semblable à celle que je fus en promenades esseulées, sans présence adulte, mélancolique à l’indifférence mouvante de l’eau poursuivant son cycle perpétuel.
Si je l’invoque ainsi ce jour, c’est que, pour la première fois en plus d’un demi-siècle, toute promenade salutaire ailleurs que devant ma porte m’est formellement interdite, avec menace d’amende, voire de prison en cas d’infraction répétée. Jamais je n’aurais imaginé, à ma dernière et récente visite, que ce tableau presque désuet viendrait ainsi au secours d’un manque aussi imprévisible.

Annelyse Simao, écrivain, le 23 mars 2020

Albert Cadix, « Le Ruisseau du puits noir »

La leçon de catéchisme, Jules-Alexis Muenier

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BAP | Bon à prendre | 15

DOUCEUR est pour moi le mot qui définit le mieux ce tableau. N’est-ce pas ce dont nous avons tous besoin ?
À chaque fois que je m’attarde devant cette œuvre, j’y vois comme une scène de vie, une photographie, une émotion, de la pureté et un sentiment de nostalgie.
Perdu entre réalité, fiction, candeur, et ces fleurs…
Comme le petit garçon à l’arrière-plan, je regarde ailleurs, par terre plutôt que n’importe où. Pas que j’abandonne la partie… je souffle un instant. Pour ne pas perdre pied. Pour oublier un moment ce qu’on veut bien me raconter.
L’on veut me donner des leçons, me faire la morale. J’ai faim, j’ai soif, je ne vous écoute pas.
Je bouche mes oreilles et ne sens plus que le parfum des liserons et la chaleur du soleil sur mes épaules.
Soyons ce petit garçon, le temps d’une éclaircie.

Romain Monaci est chargé des réservations au MBAA

La leçon de catéchisme, Jules-Alexis Muenier

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